INTÉRET GÉNÉRAL

La fabrique de l'alternative

#20

Pour une République sociale et écologique : Reconstruire le triptyque communes - département - État

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Qui nous a volé la décentralisation ? Libérale, technocratique et incompréhensible, voilà ce qu’est devenue l’organisation territoriale de notre République. À rebours des évolutions des dernières décennies, cette note propose une analyse sans concessions et des solutions radicales.

Malmenée et morcelée, mais toujours indivisible, notre République doit refonder son organisation territoriale décentralisée en se reposant sur son seul souverain, le Peuple. Entre des strates d’élus noyés par la technique et des administrations cloisonnées, plus personne ne s’y retrouve. Ainsi, toute évolution majeure ne peut reposer que sur l’adoption par référendum de grandes orientations de décentralisation. Car les Français désertent les urnes des scrutins locaux.

En effet, la séquence électorale du mois de juin 2021, pour le renouvellement des conseils départementaux et régionaux, a été désastreuse. Le taux de participation, qui n’a pas franchi le seuil des 35 %, témoigne d’un désintérêt des électeurs envers ces collectivités, pourtant censées garantir une vivacité démocratique au plus proche des citoyens. Les grandes régions issues de la réforme de 2015 devaient monter en puissance pour devenir incontournables dans la vie quotidienne des Français. En fin de compte, leur taille incompatible avec une gestion en proximité des politiques publiques, l’illisibilité de leurs compétences et les joutes entre têtes d’affiche nationales qui s’y jouaient ont miné tout l’intérêt que peut avoir la décentralisation. Les départements, restés dans l’ombre du produit d’appel médiatique qu’étaient les régions pour ces élections, ont pâti de ce détachement collectif des enjeux de gouvernance locale.

Les urgences sanitaires et sociales qui font suite à l’épidémie de Covid-19 ont pourtant mis en évidence la nécessité pour l’État de se reposer sur les collectivités pour assurer la gestion logistique (distribution des masques, ouverture des centres de vaccination, etc.) et atténuer les conséquences économiques (soutien aux entreprises, soutien aux individus, de plus en plus nombreux à être plongés dans la pauvreté). La répartition des missions entre échelons locaux et pouvoir central a ainsi été remise au centre du débat.

Au Parlement, le projet de loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), que l’on pensait abandonné, devrait finalement être adopté avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron. Cette nouvelle réforme s’inscrit dans la continuité d’un mouvement qui assimile un surcroît de décentralisation à un apport de démocratie du fait de la proximité, de davantage de réactivité, d’une meilleure prise en compte des problématiques spécifiques de chaque territoire et, au total, d’une plus grande efficacité de l’action publique. Pourtant, une série de lois se sont succédé depuis les années 2000 sans qu’aucun bilan n’ait été tiré de leur impact sur la démocratie locale, de la relation concurrentielle entre territoires qu’elles ont instaurée ou même du contenu des politiques publiques que cette organisation engendre.

Alors que l’exercice du pouvoir par une seule entité, l’État, est théoriquement celui qui permet de garantir l’application la plus égale des règles et des droits pour l’ensemble des citoyens, le choix de décentraliser des compétences pour les confier à des collectivités vise plusieurs finalités. Une finalité démocratique : permettre aux citoyens de débattre au plus proche de leur lieu de vie et de se prononcer sur le financement et les objectifs des services publics qui leur sont fournis localement, de s’approprier les décisions et même d’y participer. Dissocier les échelles géographiques de sanction électorale a pour but de porter une attention démocratique à la fois au niveau national et au niveau local. Ainsi, les citoyens bénéficient d’un accès à des élus (dont ils identifient les responsabilités) à tout échelon territorial. Il ne faut toutefois pas penser que la proximité géographique suffirait à produire de la proximité politique, en oubliant que la distance aux politiques repose sur d’autres facteurs, notamment socio-culturels.

La décentralisation répond ensuite à un enjeu d’adaptation de l’organisation des services publics à des réalités différentes (centres urbains denses, littoraux, montagne, milieu rural, etc.), selon une logique de réactivité et d’efficacité, pour adapter la structure administrative à la réalité des missions à exercer au quotidien, en prenant en compte les inconvénients que peuvent avoir les très grosses organisations. Cette réduction de l’écart entre le niveau de décision politique et son application sur le terrain permet à l’inverse aux fonctionnaires de faire remonter aux élus les situations rencontrées dans le face-à-face avec les usagers du service public. Cependant, les deux échelons administratifs qui concentrent désormais la majorité des compétences en matière de planification et de gestion des services liés à la transition écologique (transports, urbanisme, déchets, eau...), les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les conseils régionaux, sont également ceux qui sont les plus technocratiques et les moins en mesure d’organiser la participation des citoyens et usagers à la définition des politiques publiques.

Trois principes, sous la forme d’un triptyque, avaient déjà guidé les propositions d’une première note (voir Intérêt général, « De la libre association des communes et de leur contribution à la bifurcation écologique », note #4, mars 2020) : la garantie d’égalité entre les citoyens sur l’ensemble du territoire par l’action de l’État, l’expression de la démocratie locale à l’échelon communal, l’organisation de la République tournée vers la planification des politiques sociales et écologiques. En conclusion de cette première note, Intérêt général écrivait « refonder l’organisation du territoire est une question éminemment politique qui ne doit pas être abandonnée aux gestionnaires techniques d’un capitalisme dévastateur. La relocalisation des vies et des activités ne se pense qu’en réfléchissant à l’échelle pertinente pour attribuer une compétence. » La présente prolonge ce principe en étudiant les départements et les régions et propose d’attribuer les compétences aux communes, aux départements et à l’État selon la logique suivante :

Les crises actuelles, à commencer par la crise écologique, nécessitent un très fort investissement des pouvoirs publics. L’objectif de cette note est de montrer qu’en plus du renforcement de la commune comme matrice de la démocratie locale, le département doit constituer l’échelon des politiques d’égalité territoriale, et l’État le planificateur des politiques de bifurcation écologique. La collectivité régionale n’a plus de raison d’être dans l’organisation territoriale du pays.

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