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Industries culturelles et créatives

Pour une politique au service de la création et des citoyen∙nes

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Les industries culturelles et créatives (ICC) sont au cœur du secteur culturel, du discours dominant sur la culture, de l’emprise des capitalistes dans la culture, de l’action politique des néolibéraux en matière culturelle.

Le concept peut embrasser large, comprendre la mode, le design, la presse, la publicité, voire toute la culture, arts visuels, spectacle vivant et patrimoine compris. La note proposée se concentre sur le cinéma, l’audiovisuel, la musique, le livre et le jeu vidéo, qui représentent ensemble plus de la moitié de l’activité culturelle (50 milliards d’euros de chiffre d’affaires), 170 000 emplois salariés en France.

Les ICC sont, comme leur nom l’indique, la culture produite à grande échelle et facilement accessible, le support des cultures populaires à large diffusion. Elles sont donc au cœur de l’expérience sensible de chacun∙e, de la construction des imaginaires, de la circulation et de la confrontation des idées.

Dès lors, faire de la culture une industrie comporte, fondamentalement, deux risques : la gérer (comme les autres industries) en actif économique à rentabiliser, et faire des citoyen∙nes et usager·es des consommateur∙rices passif∙ves. Qui fabrique cette culture et comment ? est donc une question clé, d’autant que les possibilités d’en industrialiser la production, et d’en démultiplier le potentiel de subjugation – risques identifiés dès l’origine –, tendent à s’intensifier par les évolutions numériques et capitalistiques.

La présente note propose deux axes de réflexion critique sur les ICC.

Elle se propose, d’une part, de « prendre au sérieux » leur dimension industrielle, en rejetant l’approche béate, productiviste et cynique des conservateurs et des libéraux (et de la prétendue « gauche » molle qui s’est alignée sur eux). Le capitalisme mondialisé, financiarisé et fossile a conduit les ICC dans les mêmes impasses que les autres secteurs productifs. Bien qu’historiquement, les ICC françaises se sont bâties à l’abri de « l’exception culturelle », celle-ci a permis de préserver une filière nationale produite en langue française, atout vital du soft power français. L’exception culturelle, aménagement du capitalisme culturel, montre néanmoins ses limites, avec l’intensification en cours de dynamiques globales : concentration aux plans national et international, horizontale et verticale, financiarisation et recherche dégondée de la rentabilité, ubérisation du travail, mutation numérique des ICC, intensité croissante en ressources physiques. Nous proposons donc des solutions de déconcentration et de socialisation partielle de leur propriété, d’émancipation réelle des travailleur∙ses des ICC, et de bifurcation écologique – c’est-à-dire une approche d’intérêt général, appuyée sur des services publics solides, pour faire refluer l’emprise capitaliste sur la culture.

Il s’agit, d’autre part, de remettre la création et les citoyen∙nes au centre. Nous proposons des pistes, dans les mondes physique et numérique, pour nous assurer que la culture, toute la culture, est à la portée de toutes et tous. L’action de la puissance publique doit permettre l’accessibilité physique, l’accessibilité financière et l’accessibilité par l’éducation. En parallèle, face au risque d’une double course vers le bas – l’uniformisation culturelle d’une part (avec quelques plateformes, quelques artistes surpuissants), la fragmentation à l’infini par une offre sur mesure d’autre part (« mon » Netflix, « mon » TikTok ne ressemblent pas à ceux des autres) –, il faut veiller à ce que la culture soit diverse, de qualité et accessible au niveau de ses usages. Dit autrement, il s’agit de refonder une véritable exception culturelle pour le XXIe siècle : diversité de l’offre, accès physique, accès numérique.