Depuis les années 2000, autant de think tanks ont été créés qu’au cours du siècle passé. Affaissement de la pensée critique, affaiblissement des partis comme structures de réflexion, hybridation des élites de l’administration et du privé : plusieurs dynamiques expliquent cet essor des « boîtes à idées ».
Souvent outils d’autopromotion pour ceux qui les alimentent, les think tanks servent surtout les intérêts des puissants qui les soutiennent. Si aucune structure hexagonale ne dispose de la force de frappe des fondations politiques américaines, la loi de 2003 sur le mécénat leur permet désormais de bénéficier, en plus du financement public (particulièrement opaque), des largesses du patronat et de la bourgeoisie fortunée.
Alors que les partis ou les candidats ne peuvent plus recevoir que des dons de particuliers, la règle ne s’applique pas aux think tanks qui peuvent être soutenus par des entreprises. Au regard de l’importance qu’ils ont prise dans la vie et le débat publics, il s’agit d’un « financement déguisé de la démocratie ».
Il est convenu d’affirmer que les think tanks contribueraient à sa vitalité. En réalité, ces cercles cultivent l’entre-soi, donc le conformisme, et les médias s’empressent de faire connaître ces diverses nuances du même gris. Pour remplir les grilles d’antenne des chaînes d’information continue, les normaliens qui viennent gratuitement faire la « retape » de leur « boîte à idées » en citant Virgile ou Helmut Kohl sont très utiles.
À l’encontre de ce qu’ils prétendent être ou faire, le rôle politique des think tanks ne consiste pas tant à produire des idées neuves qu’à faire circuler un ensemble de croyances et à imposer des thèmes et des problématiques dans l’agenda médiatique et politique. Ils contribuent du reste à leur reformulation technique au service d’une véritable « politique de la dépolitisation ».
1. Interdire le mécénat des think tanks par des entreprises ;
2. Abaisser le plafond du montant des dons des particuliers aux sociétés de pensée ;
3. Clarifier les critères d’attribution des subventions publiques aux fondations politiques ;
4. Permettre à chaque citoyen·ne de choisir le parti, le mouvement politique OU la fondation reconnue d’utilité publique auquel il/elle veut allouer le montant de financement public qui lui est attribué ;
5. Ne plus autoriser la rémunération des « ménages » effectués par les fonctionnaires pour des think tanks.
6. Accroître les moyens des organismes publics en charge de la connaissance, de sa diffusion ou de son utilisation dans l’élaboration des grands choix de société, tout en renforçant le fonctionnement démocratique et le pluralisme au sein des instances qui valident les orientations des travaux qui y sont menés ;
7. Procéder à une révision générale de l’expertise publique pour financer ces nouveaux moyens par redéploiement.
8. Mettre à la disposition de celles et ceux qui ont besoin de faire expertiser une question d’intérêt général un fonds en charge d’une part de réguler l’accès aux données publiques ou aux systèmes d’information publics, d’autre part de proposer des prestations de recherches documentaires ou la mise à disposition d’un service administratif, de moyens académiques, voire d’une expertise citoyenne ;
9. Mettre en place un financement social de ce fonds pour garantir sa pérennité et son indépendance ;
10. Confier la gouvernance de ce fonds à des représentant·e·s des partis, des syndicats et du monde associatif.