La vie de la cité emporte immanquablement sa part de violence, cette fatalité s’illustre plus particulièrement dans la société néolibérale où les individus sont poussés à la concurrence et à la rivalité. C’est donc bien le rôle d’un projet politique d’en fixer les limites, de dessiner les frontières entre l’acceptable et l’intolérable, le normal et l’irrégulier, le légal et l’illégal, et de déduire d’un régime de normativité des priorités et des règles pour les services de sécurité.
La sécurité n’est en effet pas une donnée de nature, une valeur absolue, ni même un principe intangible. Elle ne saurait être « globale », sauf à figer dans le temps et l’espace toutes les injustices d’un ordre imparfait. Et son objectif de « droit à la vie paisible » – selon les mots récents d’Emmanuel Macron – ne signifie pas la même chose selon votre place dans l’échelle sociale. Ses règles et sa perception évoluent. La sécurité n’est pas un droit, mais un contrat, qui lie un ensemble donné de citoyens, via le jeu de la démocratie, sur un état souhaitable de leur quiétude personnelle et de la salubrité ou des pratiques publiques, et sur la façon de contrecarrer la loi du plus fort.
La France dispose pour cela d’une boussole qui lui est propre et qu’elle s’est fixée il y a maintenant plus de deux siècles, sans pour autant en avoir encore atteint le plein exercice, et censée réguler sa vie publique selon des principes vertueux : la République, non seulement indivisible et démocratique, mais aussi, bien sûr, laïque et sociale. Il arrive parfois qu’aux termes de ce contrat la sécurité puisse changer de camp et de visage. Que la sécurité des uns devienne l’insécurité des autres et vice-versa.
Car les politiques sécuritaires témoignent des rapports de forces économiques et sociaux entre catégories de population et entre classes sociales. Elles défendent donc prioritairement les intérêts des puissants, et de cet État qu’ils se sont approprié. La politique pénale inscrit leurs choix dans la loi et les priorités du parquet. Ceux-là s’entendent très bien jusqu’à maintenant pour bâtir un ordre à leur profit. Puisque la seule « violence » aujourd’hui mise en scène est celle des pauvres. Depuis Rome et ses jeux du cirque, les oisifs et les puissants adorent en effet jouir du spectacle des pauvres se battant entre eux. Or, « le spectacle est l’idéologie par excellence ». Aujourd’hui, les chaînes d’information continue et une certaine presse aux ordres perpétuent ce principe qui consiste à se repaitre des méfaits des autres pour faire oublier ses propres turpitudes.
Cette note constitue le premier épisode d’une série de travaux sur la Police.
Épisode I. « Penser la Police au service du peuple » s’interroge sur ce que serait une politique de sûreté et de sécurité de la gauche républicaine. Il revient sur l’histoire du divorce entre la gauche et la sécurité, avant de décliner les principes d’une République sociale sûre. Il s’interroge enfin sur les défis auxquels serait confronté un ministre de l’Intérieur dans l’hypothèse de l’arrivée au pouvoir d’un mouvement de transformation sociale et écologique.
Épisode II. « Refonder la Police » décline des propositions de politiques publiques pour refonder la Police et la mettre réellement au service du peuple. Il propose une hiérarchie des différentes criminalités en ciblant la délinquance économique, les trafics et les violences sexuelles ainsi que le terrorisme. Il présente une réorganisation de la Police et une refonte de la doctrine et des techniques du « maintien de l’ordre ».